LUBRIFICATION ET GRAISSAGE DES MOTEURS
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Théorie
La théorie du graissage des coussinets repose essentiellement sur la formation
d'un coin d'huile entre deux surfaces cylindriques en rotation. Ce coin d'huile
se forme lorsque la vitesse de rotation relative des deux surfaces est
suffisante. Le diagramme de Stribeck (fig. 1) montre comment évolue le
coefficient de friction en fonction de la valeur de l'expression viscosité
vitesse / pression (la pression étant ici le rapport de la charge appliquée sur
le coussinet rapportée à la surface projetée). Le graphe montre sur la partie
gauche une zone de graissage imparfait (1) où l'épaisseur du film d'huile est
inférieur aux rugosités du palier, au centre une zone de graissage limite (2)
où l'épaisseur du film d'huile est de l'ordre de grandeur des rugosités, et à
droite une zone de graissage hydrodynamique (3) où le coin d'huile sépare
complètement les deux surfaces du palier. Pour donner une image de ce phénomène
hydrodynamique, c'est cette même force hydrodynamique qui permet à un skieur
nautique de se tenir debout sur ses skis dès qu'il a atteint une vitesse
suffisante.
On voit donc que le régime hydrodynamique s'établit, dans un moteur donné avec
une huile de viscosité donnée, dès que la vitesse de rotation est suffisante,
et qu'il est indépendant de la pression d'alimentation en huile. Les paliers
n'étant pas étanches, il convient de compenser les fuites par un apport d'huile
afin que le palier soit toujours plein d'huile.
La pression au sein du film d'huile peut être prise en première approximation,
comme résultant de la somme des forces d'inertie et des gaz sur le piston
transmises au palier. La figure 2 indique que le maximum est atteint à faible
régime et charge élevée. La pression maximale pour un moteur à essence est de
l'ordre de 65 bars.
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Circuit de graissage
Les forces appliquées sur le palier sont variables en fonction de la vitesse de
rotation et de la charge, ce qui est illustré sur la figure 2 montrant les
diagrammes polaires des efforts appliqués sur un palier de tête de bielle. Pour
permettre l'entrée de l'huile dans le palier, le ou les trous d'arrivée sont
placés là où les efforts, donc la pression au sein du film, sont les moins
importants, soit ici à environ 45° dans le premier quadrant.
Figure 2 : Diagrammes polaires à quatre régimes différents des efforts
rapportés sur la tête de bielle.
L'huile est amenée aux points de lubrification au moyen d'une pompe à engrenage
et de conduits. Les orifices de fuite du circuit de graissage (jeux aux
paliers) étant constants alors que le débit de la pompe est fonction de la
vitesse du moteur, la pression engendrée est éminemment variable, voire
excessive lorsque l'huile est froide. Pour palier aux pointes de pression, on a
recourt à un clapet de décharge qui maintient l'huile à une pression donnée. La
pompe étant prévue avec un débit en excès, la plus grande partie du débit est
dérivée par le clapet de décharge. Ainsi, sile circuit de graissage devenait
plus perméable par suite de jeux plus importants, la pression pourrait
descendre jusqu'en dessous du réglage du clapet sans que le débit vers les
paliers soit sensiblement affecté.
Le débit d'huile dans les canalisations est de la forme de l'équation de
Poiseuille:
ou bien:
où Q est débit, "Delta" P la différence de pression aux deux extrémités de la
canalisation, R le rayon, L la longueur et "nu" la viscosité.
L et R sont fixés par construction, "nu" et Q sont variables, et "Delta" P
étant la pression d'huile régulée est en principe constant.
Donc, si la viscosité augmente, le débit diminue, et inversement. Ceci permet
de montrer que la pression d'huile dans les canalisations (celle qui est lue au
tableau de bord) n'est qu'une image du débit, à condition que la viscosité soit
celle prévue à l'origine. Dans le cas d'une huile très visqueuse, il serait
possible de lire une pression d'huile normale (ou élevée) alors que le débit
serait insuffisant pour alimenter correctement les points de graissage. En
fait, il serait plus utile d'avoir un débimètre s'il existait une construction
simple et peu coûteuse de cet appareil.
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Classement des huiles moteur
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Viscosité
Les huiles moteur sont classées en fonction de leur viscosité par classe de
grade selon la norme SAE J300 indiquée dans le tableau ci-dessous, chaque
mesure de viscosité correspondant à une méthode d'essai particulière :
Grade des viscosités pour les huiles moteur - SAE J300 Déc 99
|
Grade de viscosité SAE
|
Viscosités à basses températures
|
Viscosités à hautes températures
|
Démarrage, cP °c
|
Pompage, cP sans cisaillement à 0°
|
Faible taux de cisaillement, cSt à 1000C
|
Fort taux de cisaillement, cP à 1500C
|
max.
|
max.
|
min.
|
max.
|
min.
|
0W
|
6200 à -35
|
60000 à -40
|
3,8
|
---
|
---
|
5W
|
6600 à -30
|
60000 à -35
|
3,8
|
---
|
---
|
10W
|
7000 à -25
|
60000 à -30
|
4,1
|
---
|
---
|
15W
|
7000 à -20
|
60000 à -25
|
5,6
|
---
|
---
|
20W
|
9500 à -15
|
60000 à -20
|
5,6
|
---
|
---
|
25W
|
13000 à -10
|
60000 à -15
|
9,3
|
---
|
---
|
20
|
---
|
---
|
5,6
|
<9,3
|
2,6
|
30
|
---
|
---
|
9,3
|
<12,5
|
2,9
|
40
|
---
|
---
|
12,5
|
<16,3
|
2,9
(grades 0W-40
SW-40  10W-40)
|
40
|
---
|
---
|
12,5
|
<16,3
|
3,7
(grades 15W-40
20W-40  25W-40)
|
50
|
---
|
---
|
16,3
|
<21,9
|
3,7
|
60
|
---
|
---
|
16,3
|
<26,1
|
3,7
|
La viscosité dynamique représente les forces de friction internes du fluide et
est rapportée en poises (P), ou en pascal~ seconde en unité SI. Pour des
raisons pratiques, on utilise souvent la viscosité cinématique rapportée en
stokes (St), ou en millimètres carrés / seconde en unité SI, qui est le rapport
de la viscosité dynamique sur la densité.
Le taux de cisaillement exprime la contrainte que subit le film d'huile lorsque
ses deux faces sont animées de vitesses différentes. Il s'exprime par le
gradient de vitesse dans le film d'huile. Son unité est la seconde réciproque
(s1), les valeurs sont de l'ordre du million. Les fluides newtoniens ont une
viscosité constante sous cisaillement. Les huiles minérales pures sont des
fluides newtoniens. Les huiles contenant des modificateurs de viscosité n'ont
pas un écoulement newtonien mais viscoélastique. Un fluide viscoélastique voit
sa fluidité augmenter sous cisaillement. Ceci explique les deux méthodes de
mesure de la viscosité à chaud.
Les viscosités à froid sont mesurées au moyen d'appareils d'essai reproduisant
les conditions de pression et cisaillement vues par l'huile au moment du
démarrage. La méthode donnant la viscosité au démarrage reproduit dans un
simulateur de démarrage à froid les conditions régnant dans les paliers. La
méthode de pompabilité indique la viscosité apparente de l'huile après une
séquence de refroidissement qui favorise la formation de cristaux de paraffines.
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Performances
Il existe essentiellement deux systèmes de classement des huiles moteur, l'un
américain par l'API, l'autre européen par l'ACEA.
L'API indique le classement des huiles moteur au moyen de deux lettres. La
première désigne le type de moteur: S pour essence et C pour diesel. La seconde
lettre désigne le niveau de performance depuis A jusqu'à J actuellement. La
lettre désignant la catégorie de performances est incrémentée chaque fois
qu'apparaît un nouveau niveau de performances. Les catégories SA à SG sont
maintenant obsolètes. Les homologations se font pour les catégories SH établies
pour les moteurs de 1994 et SJ pour les moteurs de 1997.
Le classement API étant établi sur la base d'essais avec des moteurs
américains, les constructeurs européens sous l'égide du CCMC puis de l'ACEA ont
établi un système de performances répondant à leurs exigences au moyen d'essais
sur des moteurs européens. L'ACEA désigne ses séquences de performances au
moyen d'une lettre, A pour les moteurs a essence, B pour les moteurs diesels de
voitures et E pour les moteurs diesels de camions, puis d'un chiffre de i à 3
pour les moteurs à essence, et de l'indice de la version des spécifications. Il
est à noter que la suite numérique ne suit pas un niveau de performances
croissant. Notamment, une huile A3 est bien supérieure à une huile A2, mais une
huile Ai correspond àune huile A3 dotée de propriétés d'économies d'énergie. La
mise à niveau des spécifications pour répondre aux besoins de nouveaux moteurs
se fait par le changement de l'indice de révision ; les versions en cours sont
A1-98, A2-96 et A3-98.
Les paramètres pris en compte pour le classement ACEA sont: l'accroissement de
viscosité, les vernis sur les pistons, les dépôts sur les cordons de pistons,
le gommage de segments, les boues, l'usure et le gommage came-poussoir, la
consommation d'huile, les vernis dans le moteur, la stabilité de la viscosité,
les pertes par évaporation, les cendres sulfatées, le moussage, la
compatibilité avec les élastomères, et la réduction de la consommation
d'essence pour la classe A1.
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Formulation des huiles moteur
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Huiles de base
La première fonction de l'huile de base, est d'assurer la viscosité du grade
SAE sur la plage de température.
La résistance à la variation de viscosité en fonction de la température
s'exprime par un nombre empirique appelé indice de viscosité (VI). Les huiles
minérales pures ont généralement des indices de viscosité de 0 à 110, tandis
que des huiles multigrades ont des indices de viscosité supérieurs à 110. Par
exemple une 10W 40 doit avoir un VI d'au moins 169.
Les huiles minérales sont extraites de pétroles bruts sélectionnés par
plusieurs procédés successifs. Les bruts paraffiniques donnent des huiles de VI
élevés mais avec des paraffines qui élèvent le point d'écoulement, tandis que
des bruts naphténiques produisent des huiles à VI moyen à faible mais avec peu
de paraffines donc à bas point d'écoulement.
Les bases minérales utilisées dans les huiles moteur ont un VI de 90 à 100.
Les bases synthétiques sont des assemblages de molécules visant à obtenir des
propriétés requises. Elles ont des VI très élevés pouvant dépasser 140 et un
point d'écoulement très bas. Ce sont des bases de choix pour formuler des
huiles avec des propriétés de service extrêmes à la fois à hautes et basses
températures.
Les produits utilisés sont les polyalphaoléfines, les acides d'ester
dibasiques, les polyol esters, les aromatiques alkiylés.
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Additifs
Toutes les huiles moteur contiennent des additifs dans une proportion d'environ
25 %. On y trouve les additifs suivants : abaisseur de point d'écoulement,
agent antiusure et extrême pression, agent pour élastomères, améliorant de VI,
anticorrosion et inhibiteur de rouille, antimousse, antioxydant, désactivateur
de métaux, détergent, dispersant, modificateur de friction.
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Conseils pratiques
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Choix de la viscosité
Comme indiqué plus haut, le débit est fonction de la viscosité. Une part
importante de l'usure a lieu durant le démarrage lorsque l'huile n'est pas
arrivée à tous les points de graissage, notamment les plus éloignés. Pour
réduire cette usure, il convient de choisir une huile à faible viscosité à
froid afin de réduire le temps d'arrivée et d'établissement de la pression
d'huile. Avec une huile fluide à froid, le graissage sera correctement assuré
même si le moteur est sollicité avant que l'huile soit chaude. Concernant la
viscosité à chaud, les paliers ont généralement été conçus pour une huile
monograde SAE 30; ils ne se porteront pas mieux avec une huile plus visqueuse.
En pratique une huile minérale 15W-40 fera très bien l'affaire, ou mieux une
semi-synthétique 1OW-40 qui convient également très bien aux voitures modernes.
Les huiles synthétiques sont plus performantes, mais c'est un luxe inutile pour
les moteurs de cette conception. On évitera les viscosités excessives comme les
20W-50 ou pire 25W-60. Cependant, dans un moteur use, une huile de faible
viscosité peut conduire à une consommation d'huile élevée.
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Niveau de performance
Les niveaux de performances des huiles actuelles sont incomparables à ceux des
huiles d'époque. Donc le choix est vaste. Eviter toutefois de payer plus cher
des huiles dites pour moteurs anciens et qui sont d'un niveau de performances
inférieur.
On peut se poser la question de l'opportunité d'utiliser une huile détergente
dans un moteur encrassé (question inutile puisque toutes les huiles sur le
marché sont détergentes). Dans le cas d'un moteur encrassé, il vaut mieux
traiter ce problème une fois pour toutes en retirant les boues et dépôts au
moyen d'un produit de rinçage avant vidange, puis de changer le filtre à huile.
Les bons produits de ce type ont aussi la capacité de dissoudre les gommes et
de redonner de la liberté aux segments.
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De la pression d'huile
Lorsque l'on observe une pression d'huile faible ou insuffisante, le remède
généralement appliqué consiste à augmenter la viscosité de l'huile en
choisissant un grade plus élevé ou à utiliser un refroidisseur d'huile. Ce ne
sont que cautères sur jambe de bois. Comme on l'a vu plus haut, le facteur
important est d'assurer un bon débit d'huile avec une huile de la viscosité
prévue à la conception du moteur pour les conditions normales d'utilisation.
Hors, en augmentanit la viscosité, on réduit le débit. En cas de pression
d'huile faible, on vérifiera le manomètre, la pompe à huile, le clapet de
décharge, la propreté du circuit et enfin la viscosité de l'huile. Cette
dernière peut être mise en cause en cas d'une huile excessivement chaude, ou
par dilution par de l'essence ayant traversée la segmentation. Ce n'est que
lorsque l'on sera sur des éléments précédents que l'on pourra conclure à une
usure excessive des paliers.
Au démarrage, surtout après le changement du filtre à huile, la pression
d'huile peut être longue à s'établir. La pompe à huile étant de type
volumétrique, il faut toujours le même nombre de tours de la pompe et donc du
moteur, pour remplir le circuit d'huile. On évitera donc d'accélérer le moteur
car à ce moment, bien que la durée serait réduite, les rotations du moteur
seraient effectuées sous des contraintes plus sévères.
Jean Marc THELY
Références
-
Les huiles pour moteurs et le graissage des moteurs, A. Schilling, Ed. Technip
-
Technologie des moteurs à combustion interne, Ch. Clos, ETAI
-
www.lubrizol.com
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